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Lumière bleue : éclairage à LED et écrans menacent-ils notre santé ?

Dans Lumière bleue : éclairage à LED et écrans menacent-ils notre santé ? (Book-e-Book, 2019) le physicien Sébastien Point répond aux inquiétudes du grand public, des médecins et pouvoirs publics sur les risques supposés de la lumière bleue.

Couverture Livre Lumière bleue
Lumière bleue, éclairage à LED et écrans menacent-ils notre santé ? de Sébastien Point. Book-e-Book, « Une chandelle dans les ténèbres », 2019. ISBN : 9782372460415.

Économes en énergie et d’une durée de vie plus longue, les LED ont investi notre quotidien. Elles remplacent les anciennes ampoules à incandescence, et sont utilisées dans le rétro-éclairage de nos écrans de smartphone, de télévision ou d’ordinateur.

« Pendant trois décennies, seule de la lumière verte ou rouge a pu être produite à l’aide de [la technologie LED]. Sans lumière bleue, le blanc ne pouvait être créé » nous apprend Sébastien Point, dans un article publié sur le site de l’Association française pour l’information scientifique (AFIS). La mise au point des LED bleues dans les années 90 va changer la donne, et permettre la création de LED blanches à luminophores. La lumière blanche de ces LED repose effectivement sur « l’émission par une diode électronique d’un pinceau de lumière bleue […], partiellement absorbée et convertie par un luminophore en une lumière de plus basse énergie, et donc de longueur d’onde plus élevée, dans le jaune-orange » explique le physicien dans Lumière bleue (2019). « Le spectre d’une LED blanche est donc constitué de la lumière jaune-orange du luminophore et de la lumière bleue résiduelle (non convertie) ».

Or la lumière bleue peut provoquer des blessures photochimiques : « focalisée sur le tissu rétinien par nature très oxygéné, [elle] peut perdre son énergie dans la création d’espèces réactives de l’oxygène, qui peuvent s’attaquer aux cellules de la rétine ». C’est ce qui inquiète aujourd’hui le grand public et les autorités : y a t-il un risque à passer plusieurs heures devant un écran et à éclairer son intérieur avec des ampoules à LED ?

Les LED au quotidien : un danger ?

« L’impact potentiel de la lumière bleue artificielle sur la santé de la rétine humaine est déjà pris en compte dans la conception des lampes et appareils d’éclairage artificiel » rassure Sébastien Point. En effet, seules les ampoules à LED à risque nul ou faible sont mises sur le marché.

La surexposition est atteinte lors d’une exposition directe de la source à 20 cm de distance de l’œil, au plus tôt après un temps de 10.000 secondes (soit un peu moins de 3h) pour la catégorie d’ampoules classés comme étant à risque nul (GR0). Les ampoules pour lesquelles la surexposition apparaît au plus tôt à 100 secondes pour la même distance sont quant à elles classées comme étant à risque faible (GR1).

Les projecteurs ou éclairages fonctionnels peuvent appartenir à des groupes de risques plus élevés, mais ils doivent alors « faire l’objet d’un marquage spécifique et d’une installation au delà d’une distance de sécurité qui ramène le niveau de risque à celui du groupe de risque faible ».

Le cas des écrans

Que penser des écrans de nos ordinateurs, télévisions et smartphones, constamment rétro-éclairés, et que nous fixons parfois plusieurs heures sans interruption ? D’après Sébastien Point, cette pratique est « bien moins nocive pour la rétine que passer une journée à l’extérieur en plein été, par beau temps, sans protection oculaire (ce que beaucoup font sans s’en inquiéter) … » De fait, la luminance d’un écran, c’est à dire le rapport entre son intensité lumineuse et son aire apparente, est « dix fois plus faible que [celle] d’un tube fluorescent, cent fois plus faible que [celle] d’un nuage blanc […], un million de fois plus faible que la luminance du disque solaire … ». Le spectre d’émission d’un écran varie par ailleurs avec l’image. La quantité de lumière bleue présente dans les LED servant à le rétro-éclairer est constamment modulée par l’action des cristaux liquides.

Sébastien Point met en garde contre l’utilisation de filtres anti-lumière bleue sur les lunettes. Ces dispositifs ne sont pas nécessaires et ont peu de capacités filtrantes. Ils présentent en outre un risque d’altération de la perception des couleurs et du fonctionnement de l’horloge biologique.

La fatigue ressentie face à un écran est en fait due à l’accommodation de l’œil, qui doit effectuer de nombreuses mises au point pour assurer la netteté de l’image. L’état de concentration dans lequel nous sommes lorsque nous sommes devant notre ordinateur ou notre smartphone entraîne par ailleurs une diminution du clignement des yeux (nictation). L’œil peut dans ce cas s’assécher, le but de la nictation étant d’hydrater la surface de nos globes oculaires.

Lumière bleue et sommeil

Nos environnements modernes sont susceptibles de perturber notre sommeil. La lumière joue effectivement un rôle important dans la régulation de notre horloge biologique. Dès 1.5 lux, elle agit sur la sécrétion de mélatonine, l’hormone du sommeil. Or Sébastien Point estime qu’un éclairage parasite en milieu urbain, évalué à 2 lux, est assez commun. Les flashes lumineux de l’ordre d’une milli-seconde des appareils électroniques peuvent également perturber cette sécrétion. Quant à la lumière bleue, elle active, pour une même intensité lumineuse perçue, « cent fois plus les récepteurs photosensibles non visuels de la rétine (cellules ganglionnaires à mélanopsine) que la lumière blanche d’une lampe fluorescente. Elle génère donc le message d’une exposition massive à la lumière directement transmis aux noyaux suprachiasmatiques [responsables des rythmes circadiens] » détaille le spécialiste de la lumière dans son article pour l’AFIS. « Si l’on s’expose le soir à la lumière, et en particulier à une lumière enrichie en bleu, cela provoque un retard de l’horloge, un retard à l’endormissement et généralement une dette de sommeil (car l’heure de lever ne se retarde pas parallèlement pendant la semaine de travail) ». Ces effets de la lumière bleue varient avec l’âge, et sont plus sensibles chez les jeunes adultes que les personnes âgées.

Professionnels du spectacle, enfants en bas-âge : des populations à risque

Si la lumière bleue ne présente pas de risque au quotidien, certains professionnels doivent être vigilants ; c’est le cas notamment des acteurs et musiciens, exposés à des projecteurs puissants. « Les projecteurs à LED commencent progressivement à remplacer certains projecteurs traditionnels. Le besoin de niveaux d’éclairement élevés conduit les éclairagistes à mettre en œuvre un grand nombre de projecteurs qui sont le plus souvent disposés dans le champ de vision direct des artistes et des personnels techniques » détaille le physicien, dans une fiche technique de la Société française de radioprotection (2017) qui donne des conseils de prévention. Les dentistes et des chirurgiens sont également concernés, comme tous les professionnels utilisant des sources lumineuses intenses à courte distance.

La chromothérapie est une pseudo-science qui utilise la projection de couleurs à différents endroits du corps dans un but thérapeutique. Elle se sert aujourd’hui de LED blanches associées à des filtres de couleur ou de LED monochromatiques. Elle peut se révéler risquée dans la mesure où ces sources de lumières sont parfois projetées à quelques centimètres des yeux. Or en passant d’une distance de 20 cm à 5 cm, la luminance efficace en lumière bleue est par exemple multipliée par 100 ; ce qui rend une LED classée à risque faible (RG1) dans le cadre d’une utilisation normale dangereuse utilisée en chromothérapie.

Les yeux des enfants sont plus sensibles à la lumière, en particulier aux ondes courtes. Le bleu et surtout le violet devraient, selon Sébastien Point, être évités par les fabricants de veilleuses et jouets lumineux au profit de lumières blanches chaudes et à faible luminance. Toutes proportions gardées, la lumière à courtes longueurs d’ondes reste toutefois nécessaire à la croissance des yeux des enfants. Enfin, les personnes aphakes (dépourvues de cristallin) ou pseudo-aphakes (pourvues d’un cristallin artificiel) sont considérées à risque, leur appareil oculaire ne filtrant pas ou peu les rayonnements à courtes longueurs d’ondes.

L’ouvrage de Sébastien Point se veut rassurant. Au delà des populations à risque et d’un mauvais usage des LED, nous ne sommes pas concernés par les dangers de la lumière bleue. Il n’y a par ailleurs pas de toxicité connue de la lumière bleue à faible dose. Des expériences sur les rats, fortement médiatisées, ont tenté de mettre en évidence cette toxicité mais elles ont été extrapolées à tort à l’Homme d’après le physicien. Les yeux des rats, espèce nocturne, sont effectivement très différents anatomiquement et physiologiquement de ceux des Hommes. Le spécialiste de la lumière conclut son ouvrage sur la nécessité de ne pas se faire un ennemi de la lumière bleue. Ses effets sur notre horloge biologique peuvent être potentialisés dans notre environnement quotidien ou utilisés de manière thérapeutique, par exemple pour resynchroniser notre organisme après un décalage horaire.

Image à la Une : FLUX – monumental art installation by Stefane Perraud, in Paris Gare de l’Est, produced by Digitalarti (source : FlickR).

Livre : Lumière bleue, éclairage à LED et écrans menacent-ils notre santé ? de Sébastien Point. Book-e-Book, « Une chandelle dans les ténèbres », 2019. ISBN : 9782372460415.

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