Entre légendes et croyances populaires, la trentaine d’histoires recueillies par le journaliste Franck Jacquet fait partie de la culture populaire du Limousin. Si certains récits ont traversé les siècles, la capitale Limoges a aussi ses légendes urbaines. Ce voyage au Limousin étrange révèle, en tout cas, une présence toujours vivace du fantastique dans cette région du cœur de la France.
L’apparition du fantôme sans tête
Au cœur de l’été 1980, un groupe de promeneurs se balade sur les bords de la Glane. Au crépuscule, et alors qu’ils s’apprêtent à rentrer, ils remarquent une silhouette, sombre et massive. Croyant reconnaître un pêcheur du coin, ils se mettent à sa poursuite. La silhouette, au lieu de courir, semble glisser sur le sol. Surpris, les promeneurs rebroussent chemin. Mais elle apparaît de nouveau derrière eux. Éclairée par un lampadaire, l’un des promeneurs, Marc, peut mieux la distinguer : il découvre avec horreur un corps sans tête, comme carbonisé.
Cette rencontre, aucun des promeneurs ne l’a oubliée. D’après les vieux du coin, il pourrait s’agir du fantôme d’un brigand, décapité au XVIe siècle. La version de Robert, témoin lui aussi de la scène, a peu varié en 2010. Lui aussi a vu ce corps sans tête, à un détail près : « Pour moi, ce n’était pas un corps carbonisé, ça ressemblait à un guerrier en sang. Et j’ai entendu comme un cri de souffrance ». Un élément qui pourrait être la clé de l’énigme : Marc, pompier, a cru distinguer un corps carbonisé alors que Robert, passionné d’histoire et notamment des périodes de guerre, a vu un guerrier.
Avec Aurore Van de Winkel, nous nous interrogions sur la relative disparition du paranormal dans les légendes urbaines. En lisant Le Limousin étrange, on est cependant frappé par sa survie. Il se déploie au fil des pages : comme d’autres régions de France, le Limousin a été frappé par le phénomène OVNI en 1954 ou par la légende de l’auto-stoppeuse fantôme. Plus cocasse, le loup-garou de Vaulry fera trembler jusqu’au pays du Soleil Levant en 1991… avant de se révéler être un canular !
Lieux de pèlerinage et croyances populaires
Au Limousin, survit également des lieux chargés de croyances plus anciennes, comme cette étrange baignoire de pierre, taillée pour l’empereur Jules-César. La pluie se mettrait à tomber dès que son niveau d’eau atteint un seuil critique ! A Eygurande, en Haute-Corrèze, des menhirs ont été dressés à la « plaine des filles » dans les années 1950, en souvenir d’une histoire qui a quelques points communs avec les légendes de danses avec le diable, citées par Jean-Bruno Renard dans Rumeurs et légendes urbaines (PUF, 2013). Quatre filles, repoussant les avances d’un jeune homme qui souhaitait se joindre à leur danse, se trouvèrent ensorcelées. Les voilà contraintes à danser jusqu’à l’aube … Le jeune homme se révéla effectivement être le diable en personne !
Si l’on exclut la Corrèze, le Limousin est une terre où la religion chrétienne semble aujourd’hui plus effacée qu’ailleurs. Le Limousin étrange témoigne pourtant de lieux de pèlerinages et de croyances populaires, gravitant autour de la religion « officielle », toujours vivantes, bien qu’en perte de vitesse. « Le petit Lourdes » de Saint-Auvent a ainsi été aménagé il y a seulement 70 ans, après la décision de l’abbé Elias de placer la commune sous la protection de la Vierge. Et pourtant, le lieu semble exister depuis des siècles. Il attire toujours les pèlerins : « L’eau qui coule de la source apporterait la guérison et le bien être à ceux qui viendraient prier ici » note Franck Jacquet. A Saint-Léonard-de-Noblat, les femmes viennent toujours toucher le verrou de la collégiale, vêtues de leur robe de mariée, espérant avoir des enfants.
Les légendes urbaines de Limoges
Déguisé en grand-mère, un homme errerait à la sortie des tabacs de Limoges. Avisant les jeunes femmes, il chuterait au sol, avant d’être pris en pitié par ses victimes, qui lui proposeraient alors de le raccompagner en voiture. Une fois dans le véhicule : bas les masques ! L’homme se jetterait sur les femmes pour les violer.
Cette légende a agité la capitale limousine au début des années 2000. Elle ressemble étrangement à l’« auto-stoppeuse aux mains poilues », récit recueilli par Aurore Van de Winkel en Belgique (Légendes urbaines de Belgique. Avant-propos, 2017). Limoges a également été touchée, dans les années 70, par une des variantes de la célèbre rumeur d’Orléans, étudiée par le sociologue Edgar Morin. Cette rumeur met en scène la disparition de jeunes filles dans les cabines d’essayages de certains grands magasins.
Comment l’expliquer ? Les légendes urbaines circulent facilement d’un territoire à un autre. Elles s’adaptent à de nouveaux lieux et temps. La version limogeaude de la rumeur d’Orléans désigne par exemple un magasin de vêtements féminins, situé à l’angle de la rue du Clocher et de l’avenue Jean-Jaurès ; une indication précise, pour un récit qui est, en lui-même, « recyclé » d’une autre légende. Plus récemment, en 2012, le Limousin aura d’ailleurs été touché par la rumeur du 9-3. Dans plusieurs villes de province, des élus auraient ainsi été rémunérés pour accueillir des Africains ou des Roms de Seine-Saint-Denis dans leur commune. Fausse, la rumeur se cristallise à Limoges sur une actualité récente : l’acquisition d’une ancienne caserne par la Ville…
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Image à la Une : La creuse pittoresque. Pierres jaumâtres du Mont Barlot. Carte postale ~ 1930.
Une réponse sur « Le Limousin étrange »
[…] La célèbre rumeur d’Orléans par exemple a circulé dans de nombreuses villes françaises. Dans sa version limougeaude, elle désigne – de manière très précise – un magasin de …. Dans les cas récents de légendes de kidnappings en camionnette blanche, on se retrouve face à […]