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Complotisme

« Plus les inégalités au sein d’un pays sont fortes, plus le complotisme est important »

Chercheur en psychologie sociale à l’Université de Fribourg, Pascal Wagner-Egger publie Psychologie des croyances aux théories du complot aux Presses universitaires de Grenoble (2021). Cet ouvrage propose, en une centaine de pages, une synthèse très complète de la recherche en psychologie sur le complotisme. Il permet à tout un chacun de mieux comprendre quels sont les ressorts de la pensée conspirationniste, mais aussi les facteurs psychologiques, sociaux et politiques qui favorisent la croyance aux théories du complot, grâce à une approche transversale du phénomène. Nous avons échangé avec lui.

Comment avez-vous commencé à vous intéresser au complotisme ?

J’ai commencé à m’intéresser au complotisme en réalisant une étude sur les croyances liées aux effets de la pleine lune sur le corps humain (Wagner-Egger & Joris, 2004). Je suis tombé un jour sur un article du Geo allemand qui décrivait cette théorie du complot selon laquelle les images de l’opération Apollo 11 seraient une création de Stanley Kubrick, le réalisateur de 2001 : L’Odyssée de l’espace (1968). Cette théorie m’était inconnue à l’époque, mais moi qui aime les croyances originales, elle m’a fasciné. Je suis alors entré en contact avec Adrian Bangerter, auteur de La Diffusion des croyances populaires : Le cas de l’effet Mozart (PUG, 2018). Nous avons commencé à étudier ces croyances qui intéressaient peu de monde à l’époque dans le domaine de la psychologie. Heureusement pour nous et malheureusement pour la société, nous sommes nombreux aujourd’hui à travailler sur le complotisme, avec l’explosion de ces théories sur Internet.

Livre Psychologie des croyances aux théories du complot
Pascal Wagner-Egger. Psychologie des croyances aux théories du complot : Le bruit de la conspiration. PUG, 2021. Préface de Gérald Bronner.

Le complotisme : définition et évolution

Vous voulez dire qu’auparavant, ces théories du complot étaient des récits marginaux dans la société et qu’avec Internet, le phénomène est devenu beaucoup plus présent ?

Oui, il y a clairement un « effet internet », même si les théories du complot rencontrent du succès depuis l’assassinat du président américain J.-F. Kennedy (1963). A l’époque, elles circulaient via de nombreux livres, qu’il fallait toutefois connaître et acheter et qui étaient, pour certains, difficiles à trouver. Les choses ont changé avec les attentats du 11 septembre 2001 : le film conspirationniste Loose Change (2005), sur lequel j’ai été amené à m’interroger avec Véronique Campion-Vincent en 2009, est l’un des premiers grands succès de YouTube et, à ce jour encore, le documentaire le plus vu de la plateforme, si on compte le nombre de visites, et si on le compare à la population connectée à Internet à l’époque.

Cet « effet Internet » a été décrit par Gérald Bronner dans La démocratie des crédules (2013). Les théories complotistes peuvent, désormais, toucher des millions d’individus alors qu’elles circulaient auparavant de personne à personne. Elles pouvaient, par le passé, être reprises par les journaux ou la radio mais disparaissaient ensuite. Avec Internet elles sont au contraire stockées indéfiniment : si vous faites, par exemple, une recherche sur le complot des élites pédophiles, vous tomberez aussi bien sur Joe Biden que Hillary Clinton et le pizzagate ou même sur l’affaire Dutroux. Cet effet d’accumulation encourage les gens à se dire qu’il y a forcément un complot derrière tout ça !

Comment définiriez-vous les théories du complot ?

Au début de mon travail, j’avais plutôt une définition neutre du complotisme, décrit comme une explication d’événements importants par le complot ; le complot étant l’action secrète et malveillante d’un petit groupe de personnes. A partir de cette définition, on peut avoir de vrais et de faux complots. Mais ce qui m’importait, en tant que psychologue étudiant les croyances, c’était de savoir qui étaient les gens qui croyaient plus ou moins à ces théories ; je ne voulais pas être dans un jugement sur leur véracité. L’actualité fait, toutefois, que cette omniprésence des théories du complot a aujourd’hui des effets délétères ; elle sape, par exemple, la confiance minimale que nous portons aux institutions démocratiques.

Enquête Cevipof confiance politique français
Enquête Cevipof sur la confiance politique des Français, vague 12, 2020. A télécharger ici.

C’est le résultat de nombreuses recherches et analyses, et pas un avis personnel ou idéologique, qui m’ont amené à présent à un point de vue plus critique sur le complotisme : les théories du complot sont des récits explicatifs, mais aussi des accusations grave sans preuves ou basées sur des données erratiques (éléments en apparence bizarres de la version officielle, qui ne constitueront jamais des preuves). Ce terme de complotiste est souvent reçu négativement… Mais avancer, sans argument valable, que quelqu’un appartient à un réseau pédophile, ou comparer les mesures sanitaires contre l’épidémie de COVID à une dictature sanitaire en faisant référence au nazisme, c’est gravissime !

Cette absence de preuve distingue les théories du complot des vrais complots, révélés par des enquêtes, tels que le Watergate ou le complot des fabricants de tabac. Malheureusement, on ne peut pas être sûrs d’un complot sans enquête. Là est le problème des théories du complot : elles peuvent toutes êtres vraies et on pourrait croire à toutes en se basant uniquement sur des données erratiques. Pour la plupart des gens, il est par ailleurs difficile de ne rien croire en attendant les résultats d’une enquête. En l’absence de preuves définitives, il est pourtant plus prudent et rationnel de privilégier l’hypothèse la plus simple et la moins accusatoire (ce qu’on appelle le rasoir d’Ockham dans les sciences, qui fait écho à la présomption d’innocence dans le domaine juridique). Ce que je critique, en somme, c’est la religion du complot (croyance sans preuves suffisantes), distincte de la science du complot (l’enquête professionnelle amenant ou non des preuves directes du complot, aveux, documents, emails, etc.).

Causes sociales et politiques du complotisme

Au delà d’un « effet Internet », est-ce qu’il y a des causes sociales ou politiques au succès actuel des théories du complot ?

Les inégalités se creusent depuis ces 20 ou 30 dernières années et sont aujourd’hui plus visibles avec la transparence d’Internet et la présence de millionnaires qui étalent leurs richesses sur les réseaux sociaux. Plusieurs recherches montrent, par ailleurs, que plus le coefficient de Gini (qui mesure les inégalités au sein d’un pays) est élevé, plus le degré de croyance aux théories complotistes est important (Imhoff et al., 2020). Dans plusieurs pays, on observe également que plus les individus occupent une place basse dans l’échelle sociale, plus ils souscrivent à ces théories (Wagner-Egger, 2021, p. 45-46). Ces considérations sont, bien sûr, des tendances générales, des corrélations ; il y a aussi des gens plus éduqués qui croient aux théories du complot. Ce phénomène s’explique toutefois assez facilement : les théories du complot sont avant tout un discours de revanche sur les élites ou les dominants. Parce qu’elles sont un discours anti-système, les théories du complot sont d’ailleurs plus répandues à l’extrême droite et, dans une moindre mesure, à l’extrême gauche (ibid, p. 43-44). Les personnes qui appartiennent à des minorités discriminées adhèrent également plus facilement aux théories complotistes (ibid, p. 40-41), ainsi que celles et ceux qui se sentent lâchées par le système, qui pensent que leur vie n’a pas de sens et ont un jugement pessimiste sur le monde (ibid, p. 39-47).

En quoi une pandémie mondiale comme le COVID favorise-t-elle la création et la circulation de théories du complot ?

Dans des événements comme les épidémies ou les guerres, on a tendance à chercher des explications et des coupables ; ce que nous fournissent les rumeurs et théories du complot. Lors d’épidémies plus anciennes, les Juifs servaient, par exemple, souvent de boucs-émissaires. Les explications apportées par les théories du complot permettent d’avoir une illusion de contrôle sur la réalité. Elles ont aussi une fonction sociale : elles fédèrent des personnes qui se sentent bien entre elles, puisqu’elles partagent les mêmes croyances. Il y a également un phénomène de preuve sociale : plus les gens semblent y croire, plus ça nous paraît vrai ! A la différence d’événements comme les attentats terroristes, la pandémie est, enfin, une période d’anxiété qui dure très longtemps et un phénomène multifactoriel, difficile à saisir.

Au cœur de la mentalité conspirationniste

Si on suit les rumeurs et théories du complot liées au COVID-19, on observe de nombreuses contradictions entre les débuts de la pandémie et aujourd’hui. Au départ, le gouvernement a ainsi été accusé de masquer la réalité des morts et la dangerosité du virus, dont il fallait se débarrasser en passant ses courses à l’eau de Javel. Aujourd’hui, c’est un discours inverse qui se développe : le COVID n’est qu’une simple grippette, voire un complot. Comment expliquer ces contradictions ?

Les gens qui pensent que Ben Laden serait toujours vivant prisonnier secret des USA sont également à même de penser qu’il était déjà mort avant l’intervention des Américains. Ils ne vont pas jusqu’à croire à ces deux propositions en même temps, mais les deux sont possibles d’après eux. Les personnes qui croient aux théories du complot sont plus facilement sujet à la double-think, une forme de pensée contradictoire. Ils ont plus tendance par exemple à croire que l’âme n’existe pas tout en pensant que nous allons quelque part après la mort (Wagner-Egger, 2021, p. 65).

Est-ce que croire à une théorie du complot nous amène à croire à d’autres ; et est-ce qu’il existe, en quelque-sorte, une mentalité ou un regard complotiste sur le monde ?

Oui, on observe cela dans toutes nos études : plus on croit à une théorie complotiste, plus on croira à d’autres. On a appelle cela la mentalité conspirationniste ; un système de pensée monologique qui applique la même logique d’explication à tout. Ça fonctionne comme une pente glissante : si on pense, par exemple, qu’un État démocratique est capable de sacrifier sa population en organisant un attentat comme le 11 septembre pour pouvoir ensuite envahir l’Afghanistan, on sera plus à même de croire qu’un autre gouvernement puisse agir de manière tout aussi cynique. Dans cet état d’esprit, Macron devient capable de brûler Notre-Dame ou d’organiser un attentat à Strasbourg pour gêner les gilets jaunes. C’est une pente glissante au départ, qui peut aboutir à un véritable parcours sectaire.

Franks et ses collègues (2017) […] décrivent une typologie « ascendante » de croyant·es aux TC, similaire à un parcours initiatique dans une secte. Le premier stade d’adhésion ne constitue pas (encore) une mentalité conspirationniste, mais juste un malaise par rapport au monde et le sentiment personnel d’être différent (et/ou de ne pas bien correspondre à ce monde). Comme les interactions avec la majorité des non‑croyants aux TC les soumettent à des moqueries ou des critiques virulentes, cela pousse vers l’adhésion à de plus en plus de TC, formant petit à petit la mentalité conspirationniste. Le fait de penser en savoir plus que les personnes non éclairées va bien sûr renforcer l’emprise sectaire. Une véritable expérience de conversion ou d’éveil spirituel peut advenir, à la suite souvent d’une expérience personnelle traumatique (maladie, deuil d’un proche, événement comme le 11 Septembre,etc.). C’est ici que la mentalité complotiste devient croyance au mégacomplot, c’est‑à‑dire déterminée par une ontologie soit conventionnelle (complot de Big Pharma et des autres grandes entreprises), soit surnaturelle (complot des extraterrestres reptiliens).
Extrait du livre de Pascal Wagner-Egger (2021)

La théorie QAnon intègre une dimension religieuse, voir millénariste : le 16 janvier 2021, de nombreux partisans étaient ainsi convaincus de l’imminence d’un Jugement Dernier : La veille, je suivais en direct un complotiste sur Facebook qui croyait dur comme fer que Trump interviendrait avec l’armée pendant la cérémonie d’investiture du Président démocrate pour mettre tout le monde en prison. Il en « pleurait sur son clavier » parce qu’il attendait cela depuis 20 ans (depuis le 11 septembre j’imagine), et pour lui, c’était comme si Jésus allait descendre sur Terre ! Il disait que nos péchés allaient être pardonnés et que tout le monde pourrait enfin se réconcilier et s’aimer, une fois le mal mis hors d’état de nuire.

Comme dans les sectes, les complotistes peuvent se couper des autres à cause de leur obsession des complots, parce que le dialogue devient de moins en moins possible. Il y a aussi ce phénomène où plus les prévisions sont fausses, plus l’adhésion aux théories du complot devient forte. Du point de vue des sectes, ce paradoxe a été décrit dans L’échec d’une prophétie (1956). Dans les années 50, des psychologues sont entrés dans une secte qui prédisait la fin du monde. Avant l’apocalypse annoncée, les disciples se cachaient, refusaient les journalistes. Ils savaient qu’ils allaient être sauvés et ne voulaient pas que cela se sache ! Le jour tant attendu, rien ne se passe. Les moins engagés dans le mouvement s’en vont alors, mais la majorité accepte l’explication de la gourou : le monde a été sauvé grâce à leurs prières ! Du jour au lendemain, les disciples deviennent des prosélytes zélés. Dans cet exemple, la dissonance cognitive, l’écart entre ce qu’on pense et ce qui arrive, est énorme. Pour des disciples qui ont perdu tous leurs biens et leurs contacts avec le monde extérieur, deux choix s’opèrent alors : quitter la secte, reconnaître avoir été trompés des années durant et perdre son seul groupe social ou s’enfoncer encore plus dans la croyance. C’est cette deuxième option qui est le plus souvent choisie, et qui explique à quel point il est difficile de quitter une secte.

Un autre élément fait penser à une religion dans QAnon : le personnage de Q qui communique via des drops ressemblant à des versets bibliques …

Oui, comme dans la Bible, qui est un condensé d’écrits qu’on interprète de mille façons différentes. Une autre caractéristique rapproche QAnon du fondamentalisme : la croyance devient irréfutable. C’est similaire aux créationnistes qui voient les os de dinosaures comme un leurre déposé par Satan. Pour le paranoïaque ultime, c’est vous, le contradicteur, qui faites partie du complot ! On m’a parfois dit : « vous êtes en mission commandée ». Ce à quoi j’ai un jour répondu : « OK, soit vous êtes un lanceur d’alerte et vous avez raison ; soit je ne le suis pas et vous êtes dans un état avancé de paranoïa. La différence, c’est que moi seul sait quelle possibilité est vraie ! » J’ai connu un paranoïaque au stade ultime qui pensait que sa famille, son psychiatre, ses amis comme moi complotaient contre lui. Et notamment que son psychiatre lui administrait des médicaments pour effacer ses pensées. C’est tragique !

Vous mettez justement en lumière un lien, attesté par des études, entre paranoïa non-clinique et adhésion aux théories du complot (p. 49-51). C’est intéressant car, dans les récits complotistes en eux-mêmes, le danger se niche dans des objets anodins du quotidien. Le pouvoir de nuisance des élites va, parfois, jusqu’au contrôle mental ou physiologique, exercé via la manipulation médiatique, des puces implantées dans nos corps, etc.

 

 

Tout à fait ! Il y a chez les complotistes une forme de méfiance vis à vis des autres, une vision négative de la nature humaine. Bien sûr il y a différents niveaux de paranoïa, et il faut distinguer une forme plus légère qui nous a sauvé la vie pendant des millénaires ; cette tendance à chercher des intentionnalités et à se demander, dès qu’il se passe quelque chose, à qui profite le crime. Ce réflexe est présent en chacun de nous et s’explique par la psychologie évolutionniste : notre cerveau a évolué dans un environnement hostile et percevoir des signes comme étant des dangers était utile dans ce contexte. Même si une seule fois sur cent le bruit d’une branche qui craque annonce un réel danger, ce réflexe de peur et de fuite nous a sauvé la vie.

Est-ce qu’il y a d’autres facteurs psychologiques qui prédisposent à l’adhésion aux théories du complot ?

Au niveau psychologique, les gens anxieux croient plus aux théories du complot, ainsi que ceux qui ont une plus faible estime d’eux-mêmes et chez qui la croyance va notamment donner le sentiment d’en savoir plus que les autres (Wagner-Egger, 2021, p. 52-53).

Les théories du complot peuvent, toutefois, être attirantes pour tout le monde. Elles reposent sur un mode de pensée intuitif et des biais cognitifs que nous privilégions toutes et tous au quotidien (issues de l’évolution), et qui sont l’opposé du mode pensée analytique qu’on apprend à l’école et qui est, par exemple, à l’œuvre dans les mathématiques, la pensée critique. On lit des choses sur Internet et on y adhère, sans vérifier ! Moi qui connais bien les fonctionnements du complotisme, en voyant les quelques anomalies exposées dans certains documentaires (comme Complots : Vérités et mensonges), je suis comme tout le monde très vite intrigué par ces « éléments en apparence bizarre » et je sens le début de la croyance au complot, jusqu’à ce que les explications fournies par l’émission me démontrent que ce n’est en fait pas si bizarre que ça !

Il y a aussi un attrait narratif des théories du complot : c’est passionnant de découvrir que vous vivez dans un monde qui recèle des secrets, et de suivre un récit digne d’une enquête policière, avec ses multiples dévoilements ! Certaines fictions exploitent d’ailleurs ce filon, comme Le Truman Show (1998) ou The Matrix (1999).

The Truman Show par Peter Weir (1998). « Le film raconte la vie d’un homme, Truman Burbank, star d’une télé-réalité à son insu. Depuis sa naissance, son monde n’est qu’un gigantesque plateau de tournage et tous ceux qui l’entourent sont des acteurs. Lui seul ignore la réalité. Le film explore ses premiers doutes et sa quête pour découvrir le but de sa vie. » (source : Wikipédia)

Communiquer avec un proche complotiste

Dans un épisode des Pieds sur Terre consacré aux parents complotistes, on voit le dialogue difficile entre des enfants aujourd’hui adultes et des parents qui n’ont plus que les théories du complot pour centre d’intérêts, et avec qui il est impossible d’échanger sur des bases rationnelles. Quels conseils donneriez-vous pour dialoguer avec quelqu’un qui tient des propos complotistes ?

J’en parle justement dans mon livre ! Avec des personnes peu radicalisées, qui se posent des questions et qui mettent, par exemple, en avant certaines anomalies de la version officielle du 11 septembre, on peut les confronter aux explications rationnelles de ces anomalies, ou leur demander quel est la raison du complot, qui est souvent difficile à trouver (les USA auraient commis les attentats du 11 septembre pour envahir l’Afghanistan ?). Arrivé à un certain niveau de complotisme, ça devient toutefois plus difficile, les arguments échangés deviennent surtout utiles pour les spectateurs et spectatrices du débat puisque le complotiste ne va plus croire aucune source officielle ou scientifique.

Quand le dialogue n’est plus possible, on peut éviter le sujet ou utiliser ce que le vulgarisateur Mr Sam appelle l’entretien épistémique, qui ressemble à un dialogue socratique où on s’abstient de tout jugement et de dire « ceci est vrai ou faux ». On va plutôt chercher à savoir sur quelles bases la personne croit ce qu’elle croit ; les sites de réinformation qu’elle consulte ont peut-être prédit à tort tel ou tel événement par exemple. On peut instiller le doute mais sans lui dire qu’elle a tort ou raison, et comparer son approche avec celle de la méthode scientifique, où on va croire que ce qui est corroboré par des données empiriques et validé par un consensus scientifique.

Image à la Une : Pascal Wagner-Egger par David Marchon.

Références citées dans l’interview

Par souci de lisibilité, nous renvoyons au livre de Pascal Wagner-Egger dès que le nombre de références citées dépasse 1.

Bronner, Gérald. La démocratie des crédules. Paris: PUF, 2013.

Festinger, Léon, Hank Riecken, et Stanley Schachter. L’échec d’une prophétie. Paris: Presses Universitaires de France – PUF, 1993.

Franks, B., Bangerter, A., Bauer, M.W., Hall, M. & Noort,M.C. (2017). Beyond “Monologicality”? Exploring conspiracist worldviews. Frontiers in Psychology, 8:861. En ligne : https://doi.org/10.3389/fpsyg.2017.00861 (consulté le 31/03/2021).

Imhoff, R., et al. (2020). Conspiracy beliefs and political orientation across 23 countries: Data from the PICoM project. Manuscript submitted for publication.

Wagner-Egger, P. (2021). Psychologie des croyances aux théories du complot : Le bruit de la conspiration. Grenoble : Presses Universitaires de Grenoble.

Wagner-Egger, P., & Joris, V. (2004). L’obscure clarté de la lune : croyances et représentations. Les Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale, 63, 3-28.

Tables des matières du livre

Préface de Gérald Bronner. Complotisme : un symptôme du monde présent

Introduction

Chapitre 1 : Définitions et mesures. Degrés de croyance aux théories du complot. Les mesures des croyances aux théories du complot. La mentalité conspirationniste.

Chapitre 2 : Explications des croyances aux théories du complot. La dimension sociétale et politique. La dimension sociale. La dimension psychopathologique. La dimension irrationnelle. La dimension communicationnelle.

Chapitre 3 : Les conséquences des croyances aux théories du complot.

Chapitre 4 : L’irrationalité de la notion de théorie du complot. Étude de cas : la pandémie mondiale du coronavirus en 2020.

Conclusion. Que peut‑on faire pour lutter contre la prolifération des théories du complot ? Quels arguments invoquer dans une discussion à propos des théories du complot ? La critique de la critique des théories du complot (ou le complotisme de l’anti‑complotisme).

Bibliographie et annexes.

4 réponses sur « « Plus les inégalités au sein d’un pays sont fortes, plus le complotisme est important » »

[…] L’ouvrage déjoue, enfin, certaines des critiques parfois adressées à l’étude des biais cognitifs, notamment dans la conclusion. Selon certains détracteurs, s’intéresser au rôle des biais cognitifs dans l’adhésion aux croyances complotistes éluderait, par exemple, d’autres formes d’explications, et privilégierait une approche trop centrée sur l’individu. Or, Pascal Wagner-Egger s’intéresse aux causes psychologiques du complotisme (dont la présence de certains biais cognitifs), mais aussi aux causes sociopolitiques et communicationnelles, qu’il essaye d’articuler dans ses travaux (on peut avoir un aperçu plus complet de cette articulation dans Psychologie des croyances aux théories du complot aux PUG). […]

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